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La Verrerie
Wassim

Je m’appelle Wassim et je suis né à Metz en France mais mon père était né en Algérie, à Batna, une très jolie petite ville capitale des Amazight où l’on ne parle pas arabe mais chaoui. Ma mère Emilie est elle aussi de Metz, ville très belle mais très froide, de père italien et de mère française.
A 10 ans mon père m’a envoyé en Algérie avec mes frères et nous avons été élevés et nourris par une de ses amies pendant une trentaine d’années. J’ai alors rencontré à Batna la femme de ma vie avec qui j’ai eu six enfants, quatre garçons et deux filles dont l’une est morte à la naissance. Nous vivions dans une cité très propre où nous occupions un petit appartement : tout le monde se connaissait et il n’y avait pas de problèmes. De temps en temps ma femme et mes enfants allaient chez leur grand mère à Tayoult où il y a une mosquée à chaque coin de rue malgré le petit nombre d’habitants : en fait ils appartenaient tous à la même famille.
Je suis ensuite parti pour Marseille : mes parents avaient divorcé et c’est la raison pour laquelle on nous avait envoyés en Algérie. J’ai reconstruit ma vie et lorsque ma mère est morte je n’ai pas pu assister à son enterrement car elle était chrétienne et moi je suis musulman. Alors que mon père avait acheté des terres en Algérie, moi je suis resté en France car la vie y est plus simple et plus facile.

Enzo

Ma mère est née à Madagascar. Sa vie était difficile car son père est mort quand elle avais cinq ans et elle vivait seule avec sa mère. Ils habitaient Tamatave, à côté de Tananarive, la capitale. Trouver du travail était dur et la nourriture manquait. Dans le bidonville, le racket et les vols étaient fréquents. Il y avait aussi des attaques de requins qui touchaient les gamins qui se baignaient là où l’on jetait les détritus.
Quand son pays a obtenu l’indépendance elle est partie pour la France avec sa mère, à Guingamp. Son amoureux l’a suivie et elle savait qu’il serait le père de ses enfants. Elle en a eu deux avec lui, une fille et un garçon. Comme il était alcoolique il n’a pas vécu longtemps et elle a alors rencontré un autre homme avec qui elle eu deux filles.

La Verrerie

A Montredon, à Marseille, rue des vignerons, est installée la société Pons-Grimblot dans laquelle travaillent près de 400 personnes. Elle fabrique du verre avec du sable, de la soude et de la chaux, le tout chauffé à très haute température. Wassim et Enzo y travaillent avec les souffleurs de verre, dont Pierre, un garçon beau et séduisant qui est amoureux de Françoise, embauchée depuis peu et qui travaille au rangement des pièces soufflées.

Aujourd’hui Françoise est en retard et lorsqu’elle arrive enfin, elle s’approche de Pierre qui est en train de tourner la pâte de verre afin de s’excuser en chuchotant au creux de son oreille. Surpris dans son travail, très concentré sur la pâte en fusion, Pierre se retourne brusquement et frôle la robe de Françoise qui s’enflamme aussitôt. Affolée, elle se met à courir en essayant d’éteindre le feu et se précipite vers les étagères en bois sur lesquelles elle a l’habitude de ranger la verrerie. Celles ci prennent feu à leur tour, feu qui se propage rapidement à toute l’usine.
Tous les ouvriers sortent en courant dans une panique générale et Pierre se retrouve propulsé vers la sortie par la foule qui l’emporte. Une fois dehors il cherche Françoise et ne la trouve pas. Il retourne dans le bâtiment en flammes et l’aperçoit à terre, inconsciente, bloquée par une poutre. Il réussit à la dégager et la porte à l’extérieur. C’est hélas trop tard et personne n’arrive à la ranimer.
Un silence impressionnant règne devant l’usine en flammes, beaucoup d’ouvriers pleurent, on n’entend que les craquements du bois qui brûle dans le bâtiment, et les gémissements de Pierre. Pour que Françoise ne soit pas morte pour rien, les 400 employés à l’unanimité décident d’assigner le directeur en justice car la dénonciation des failles dans la sécurité n’a jamais été prise en compte par celui ci et il a fallu un tel drame pour qu’enfin on se préoccupe du danger. Le patron sera condamné mais l’usine ne sera jamais reconstruite.

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